Le secteur immobilier européen vit une transformation profonde. Entre l’après-COVID, l’évolution des modes de vie et les impératifs environnementaux, les développeurs sont amenés à repenser leurs approches. Les nouvelles formes d’habiter ne sont plus de simples expérimentations marginales : elles représentent désormais plusieurs centaines de milliards d’euros d’opportunités d’ici 2030.
Un phénomène de fond, bien plus qu’une tendance
Habitat participatif, co-living, habitat intergénérationnel, logements modulables… Ces concepts traduisent une recherche de flexibilité, de mutualisation des ressources et de lien social renforcé. Ils s’inscrivent dans la logique de la « ville du quart d’heure », théorisée par Carlos Moreno et déjà adoptée par Paris et seize autres métropoles mondiales. L’idée est simple : offrir aux habitants la possibilité de se loger, travailler, s’approvisionner, se soigner, apprendre et s’épanouir à moins de quinze minutes à pied ou cinq minutes à vélo de leur domicile.
Cette convergence n’est pas un hasard. La pandémie a accéléré des tendances déjà à l’œuvre : essor du télétravail, recherche d’espaces extérieurs, besoin croissant de modularité des logements, et valorisation des services de proximité. Ces évolutions s’appuient sur la chronotopie — l’usage différencié des lieux selon les temporalités — et s’organisent autour de quatre principes clés : densité, proximité, mixité et ubiquité.
Des projets emblématiques qui prouvent la viabilité du modèle
Plusieurs réalisations démontrent déjà la pertinence de ces approches. À Bruxelles, le site de Tour & Taxis illustre parfaitement cette dynamique. Sur 45 000 m², l’ancienne gare de marchandises a été transformée en un quartier mixte couvert qui combine bureaux, commerces et loisirs. Développé par Nextensa, le projet s’appuie sur la plus grande structure bois d’Europe, atteint la neutralité énergétique et intègre douze nouveaux bâtiments dans l’enveloppe historique.

L’étude de marché résidentielle comme bouclier anti-risque
Tout cela pousse les promoteurs et développeurs à renforcer encore leur approche de réduction des risques. Cette démarche passe nécessairement par une connaissance approfondie du contexte local et des tendances de marché. Une étude ciblée doit fournir un positionnement prix ajusté selon la demande réelle et les tendances démographiques, une veille concurrentielle fine, et déboucher sur des recommandations concrètes concernant la granularité des biens, le positionnement prix, le rythme de vente et l’éventuel phasage du projet.
Cet élément est crucial pour les surfaces alimentaires comme Cactus, qui domine localement, aux côtés d’enseignes internationales comme Auchan, Leclerc, Delhaize ou encore Lidl.
À Lyon, le projet Confluence pousse encore plus loin l’intégration durable. Premier quartier certifié WWF en France, cet écoquartier de 150 hectares accueillera 16 000 habitants et 25 000 salariés. Avec son objectif zéro carbone et zéro déchet, il couvrira 80 % de ses besoins énergétiques par des sources renouvelables locales. L’équilibre entre logements, tertiaire et commerces y est méticuleusement respecté. Autre exemple, le projet Lyon Smart Community déploie des solutions blockchain pour optimiser la gestion énergétique.

Le Luxembourg n’est pas en reste avec Nei Hollerich, un projet d’envergure qui illustre l’adaptation aux contraintes foncières extrêmes. Sur 21 hectares — le plus grand site constructible de la capitale —, il prévoit 390 000 m² de surface construite, dont 55 % résidentiel, ainsi que des espaces de coworking reliés par tram à seulement 300 mètres de la gare centrale.
À plus petite échelle, les quartiers résidentiels de taille moyenne servent de laboratoires d’innovation. Les projets de 50 à 500 logements, plus agiles, permettent de tester de nouveaux modèles. À Bruxelles, le Fonds du logement bruxellois développe des programmes originaux tels que les Brasseleurs d’Art, qui transforment une ancienne brasserie de Molenbeek en 31 logements-ateliers pour artistes, ou encore le projet Steyls Phase 2 avec ses 95 logements passifs. À Lyon, l’écoquartier de La Duchère, qui s’étend sur 11 hectares, combine transition énergétique par géothermie et panneaux solaires avec une reconfiguration urbaine qui ramène la part de logements sociaux de 80 % à 54 %, tout en intégrant parcs et commerces de proximité.
L’innovation se joue aussi à échelle humaine. À Villeurbanne, le Village Vertical reste la référence européenne en matière d’habitat participatif. Première coopérative d’habitants du XXIe siècle en France, elle associe quatorze logements coopératifs et vingt-quatre HLM au sein d’une structure bois-béton BBC. Son modèle, basé sur un partenariat public-privé et un prix foncier de type bailleur social, a inspiré la loi ALUR de 2014. En Belgique, l’habitat léger bénéficie depuis 2019 d’un cadre légal avec le Code wallon de l’Habitat Durable, permettant aux yourtes, roulottes et tiny houses de répondre aux critères minimaux de salubrité tout en limitant leur empreinte environnementale.

Des cadres réglementaires en mouvement
Sur le plan réglementaire, la France mène la danse. Avec la loi ALUR de 2014, les PLU intercommunaux sont devenus obligatoires, et Paris a inauguré en 2024 le premier PLU bioclimatique. La loi Climat et Résilience de 2022, qui fixe des objectifs ambitieux de réduction de consommation d’espace, crée un contexte propice à la densification qualitative.
En Belgique, l’approche est plus régionale. La Wallonie reconnaît l’habitat léger et soutient l’habitat groupé, en forte croissance. Le Code du Développement Territorial introduit de nouveaux zonages favorisant la mixité fonctionnelle, offrant ainsi de nouvelles opportunités aux développeurs innovants. Quant au Luxembourg, il renforce son arsenal avec la certification LENOZ, la création d’un cadre clair pour le logement abordable en 2023 et un soutien accru au Fonds du logement.
Investir plus pour valoriser mieux
La question économique reste centrale. Les surcoûts liés à la mixité fonctionnelle oscillent entre 15 et 25 %, ceux de la densification urbaine entraînent une hausse de 30 à 50 % sur le foncier, et l’adoption de standards environnementaux ajoute encore 10 à 30 % de dépenses. Pourtant, ces investissements sont largement compensés par des primes de valorisation : de 10 à 20 % pour les quartiers mixtes, de 8 à 15 % pour la proximité des services, et de 5 à 15 % pour les certifications environnementales.
Parallèlement, de nouveaux modèles économiques émergent. L’économie circulaire privilégie la transformation du bâti existant, tandis que le financement par la donnée ouvre la voie à la monétisation des services urbains connectés. Les formules « as-a-service » proposent quant à elles des abonnements plutôt que des investissements lourds. Enfin, les coopératives d’habitat et les Community Land Trusts se multiplient, inspirés par le modèle allemand du Mietshäuser Syndikat, en séparant foncier et bâti pour éviter la spéculation.
Les technologies qui changent la donne
Les bâtiments intelligents connaissent une véritable explosion. Leur marché, estimé à 143 milliards de dollars en 2025, devrait atteindre 548,5 milliards en 2032, avec une croissance annuelle de plus de 21 %. L’Internet des Objets permet d’économiser jusqu’à 30 % d’énergie, tandis que l’automatisation réduit de 20 à 25 % les coûts opérationnels. La 5G, de son côté, facilite la gestion en temps réel de milliers de points de contrôle.
La construction modulaire transforme également les pratiques. Elle permet de réduire de 20 à 50 % les temps de chantier, d’économiser 22 milliards de dollars par an en Europe et aux États-Unis, tout en divisant par dix les déchets et en diminuant l’empreinte carbone de 35 %. L’utilisation de matériaux biosourcés, capables de stocker jusqu’à 50 % de carbone dans la structure, et de solutions biodégradables comme le mycélium, ouvre de nouvelles perspectives.
La mobilité urbaine, enfin, devient un facteur structurant. Le marché de la micro-mobilité, estimé à 175 milliards de dollars en 2022, devrait dépasser les 360 milliards d’ici 2030, avec l’Europe en tête. L’essor des véhicules autonomes partagés, dont la croissance annuelle attendue atteint près de 35 %, redéfinira en profondeur l’accessibilité des villes.
De nouvelles typologies en plein essor
Dans ce contexte, certaines typologies connaissent une forte expansion. Le marché du co-living, évalué à 7,82 milliards de dollars en 2024, devrait doubler d’ici 2030 pour atteindre 16,05 milliards, soit une croissance annuelle de 13,5 %. L’habitat intergénérationnel répond quant à lui au vieillissement rapide de la population : en 2030, l’Europe comptera 247 millions de personnes de plus de 60 ans, et d’ici 2050, un quart de la population d’Europe du Nord aura plus de 65 ans. Des formes hybrides, comme le co-living intergénérationnel, pourraient donc se développer à l’image de ce qui existe déjà en Asie.
Les espaces mixtes, enfin, redéfinissent l’usage des lieux. Ils intègrent habitat, travail, services et loisirs dans une logique d’hybridation. Bureaux domestiques, conciergerie partagée, espaces de coworking, infrastructures sportives et commerces de proximité se combinent dans un rayon de quinze minutes, en réponse aux temporalités multiples des usagers.
Des indicateurs de performance convaincants
Les résultats chiffrés parlent d’eux-mêmes : réduction de 15 à 30 minutes par jour du temps de transport, optimisation de l’usage des équipements de 30 à 50 % grâce à la polyvalence, et économies de 20 à 30 % sur les coûts des transports publics grâce à la logique de la ville du quart d’heure. La rentabilité du co-living dépasse de 20 à 40 % celle de la location traditionnelle, tandis que l’habitat groupé réduit de 15 à 30 % les coûts fonciers. Le retour sur investissement des certifications devient positif en cinq à dix ans, et la construction modulaire permet de combiner une réduction de 35 % des émissions carbone avec 30 % d’économies d’énergie grâce à l’Internet des Objets.
Conclusion : une transformation à saisir
Les nouvelles formes d’habiter ne sont plus des concepts expérimentaux mais des réalités concrètes et rentables. La convergence des tendances technologiques, démographiques et réglementaires crée un contexte particulièrement favorable pour les acteurs capables d’anticiper. Le succès appartiendra à ceux qui sauront dépasser les silos sectoriels et associer innovation technique, créativité financière et adaptation réglementaire. Les développeurs qui relèveront ce défi contribueront à façonner l’habitat européen de demain.

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Dylan Baras
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