L’heure est aux projets immobiliers mixtes. Où et sous quelle forme intégrer le retail dans ces nouveaux projets qui combinent des fonctions diversifiées ? Comment savoir ce dont les gens ont vraiment besoin ? Nous vous détaillons deux projets exemplaires en matière de mixité fonctionnelle.
Le retail fait actuellement face à de multiples défis :
- Le commerce en périphérie est de plus en plus décrié, face au mouvement contre une bétonisation supplémentaire (même si, dans le contexte actuel, il reste celui qui tire le plus son épingle du jeu)
- Certains centres commerciaux peinent à décoller ou à trouver un second souffle ;
- Dans les centres-villes, on est confronté à une forte vacance commerciale ;
- L’e-commerce vient grignoter des parts de marché de plus en plus importantes au retail physique, que ce soit dans les centres-villes ou en périphérie. En 2020, la vacance commerciale totale s’élevait à 13,5 % en France. Le Covid-19, avec ses périodes de confinement, et l’essor du télétravail ont largement accéléré le phénomène.
D’un autre côté, on voit émerger un consomm’acteur qui privilégie une consommation consciente, en tenant compte des défis environnementaux. Il veut consommer local et avoir tout à proximité – encore plus depuis le début de la crise sanitaire. À Bruges, par exemple, en un an la zone de chalandise du centre-ville s’est contractée de 20 à 10 minutes en voiture.
Le nouvel idéal : la ville du quart d’heure, où on peut accéder à tous les commerces, services et loisirs de base, ainsi que son travail, en 15 minutes maximum (par des moyens de mobilité douce). Tout cela dans un cadre de vie vert, avec des logements qualitatifs pour tous.
De plus en plus de projets répondant à toutes ces exigences voient le jour. Comment le retail s’inscrit-il dans leur vision ? Il fait partie d’un ensemble, car ces nouveaux quartiers sont placés sous le signe de la mixité fonctionnelle. Voici 2 projets urbanistiques et immobiliers caractéristiques de cette mixité fonctionnelle, et qui d’après nous, donnent un aperçu réaliste de la place qu’occupera le retail de demain.
1. Rout Lëns (Luxembourg, IKO Real Estate)
Implanté sur une friche industrielle de 10 ha, Rout Lëns est un projet à Esch-sur-Alzette, à cheval entre le Luxembourg et la France. Le site est proche du centre-ville et notamment de la grande artère commerciale d’Esch.
Quartier participatif
À terme, c’est un tout nouveau quartier qui va émerger à Rout Lëns. Un des aspects les plus intéressants, c’est que la population (habitants et usagers du territoire) a été invitée à donner son avis tant sur la finalité que sur la forme du projet, à travers une enquête en ligne et des workshops.
Pour nous, cette dynamique d’intelligence collective est amenée à devenir incontournable à l’avenir. Par ailleurs, nous sommes persuadés que l’approche participative permet de comprendre les besoins réels de la population et de favoriser une acceptation et une appropriation du projet.
Quartier exemplaire
Un quartier exemplaire, pour nous, c’est un quartier durable et résilient. Et ce, dans tous les sens de ces termes. Un quartier construit aujourd’hui doit toujours être attractif et viable dans plusieurs décennies. Cela implique beaucoup d’éléments, de la construction d’un immobilier modulaire et flexible à une réflexion poussée sur la place accordée à la végétation.
Le projet immobilier Rout Lëns nous semble exemplaire à plus d’un égard :
- Construction circulaire : de nombreux matériaux démantelés vont être réutilisés sur place.
- Le nouveau quartier sera articulé autour du patrimoine préservé, qui lui confèrera du caractère. Les anciennes halles notamment seront réutilisées à des fins collectives : marché de circuit court, micro-brasserie, espace de coworking et d’exposition, salle de sport…
- Dès le départ, il y a donc une mixité fonctionnelle : 130.000 m2 seront consacrés au résidentiel (1.400 logements), 10.000 m2 à des bureaux, 3.000 m2 aux commerces et le reste à diverses fonctions, dont celles décrites ci-dessus.
- La mobilité, un facteur essentiel : dans cette zone de trafic apaisé, les voitures seront les bienvenues mais ne vont pas déterminer l’espace. Les transports collectifs sont privilégiés, et il y aura une piste rapide pour vélos.
- La nature prendra toute sa place, avec d’une part une préservation de la végétation qui a poussé spontanément, et d’autre part l’ajout d’une végétation adaptée à l’évolution des conditions climatiques. Pour gérer l’eau, un parc avec des étangs et un jardin humide seront aménagés.
- Urban farming : des potagers urbains sont prévus sur une parcelle de 6.000 m2 (après un assainissement et une analyse approfondie des sols). Ils devraient pouvoir approvisionner en circuit court une centaine de foyers. On est loin d’une résilience totale, mais c’est un début.
Et le retail ?
On l’a vu, la surface consacrée au retail reste modeste. De plus, la construction en différentes phases signifie qu’il y aura une évolution des besoins – auxquels on pourra bien sûr s’adapter – et que les commerces implantés dès le début pourraient mettre du temps à atteindre leur vitesse de croisière.
Alors comment choisir la meilleure offre retail ? Et comment la pérenniser, malgré les potentielles difficultés liées à leur lancement ? Les promoteurs ont des idées inspirées de projets déjà réalisés. En guise d’exemple, nous verrons quels choix innovants ont été faits dans l’exemple suivant, Prairie-au-Duc.
2. Prairie-au-Duc (France, Groupe Chessé)
Le site de Prairie-au-Duc, c’est en réalité une multitude de projets qui s’inscrivent dans une revalorisation globale de l’île de Nantes depuis le début des années 2000. Outre son passé industriel, il a de nombreux points communs avec le projet Rout Lëns, et notamment la mixité fonctionnelle.
Son volet commercial fait face aux mêmes défis que ceux qui attendent Rout Lëns : une construction en plusieurs phases et la volonté de remplir les espaces commerciaux dès le départ pour faire vivre le quartier. En outre, l’espace dédié au retail est également plutôt restreint : 2.000 m².
Voici l’approche qui a été mise en œuvre :
- Une analyse a été effectuée en amont pour déterminer le mix idéal entre résidentiel, bureaux, retail, etc. Facteur-clé : la complémentarité avec l’offre existante du centre-ville de Nantes, dans le choix des enseignes, des surfaces, etc. ;
- Un rez-de-chaussée actif n’est pas nécessairement réservé au retail. L’accent est plutôt mis sur une mixité intelligente : les commerces de proximité côtoient une crèche, une école, un théâtre pour enfants, un studio de yoga, des bureaux… Des activités qui peuvent également attirer des visiteurs/usagers de l’extérieur ;
- Pour le retail, priorité aux commerces de proximité et aux services. On y retrouve un mix de commerces axés sur l’alimentation et les besoins quotidiens : lunettier, caviste, supermarché de proximité, brasserie, fromagerie, magasin de spécialités véganes, coiffeur, boulangerie…
- Flexibilité et agilité restent les mots d’ordre. Le quartier étant en construction, les besoins peuvent évoluer et on peut donc envisager des activités temporaires.
- De même, pour pallier le problème de rentabilité initial, dû à l’ouverture des commerces avant la finalisation des autres fonctions, des loyers progressifs ont été instaurés.
S’il est trop tôt pour tirer un bilan définitif de cette stratégie, les commerces semblent avoir bien résisté à la crise Covid, probablement grâce à leur caractère de proximité – car oui, ces commerces ont plutôt bénéficié de la crise sanitaire.
Dans les projets multifonctionnels, bien définir le dimensionnement et le positionnement du retail est plus que jamais essentiel. Besoin de développer une offre qui réponde aux enjeux sociétaux actuels et aux attentes des nouveaux usagers ?